Le chemin du Champérus

par Nicolas Boldych

Sentier écrit dans la roche, à même la roche qui le bosselle ; palimpseste de sentier qui disparaît  parfois, en été,  dans des ruines arasées où prend racine un pin ; qui s’éclipse  dans la blancheur de la roche affleurante, débordante, aux lourdes arcades grises qui ne vous regardent plus passer. On saisit à mains nues les bornes de ce chemin, se hisse dans les gravillons égouttés, nez à nez avec des touffes de thym à hauteur d’homme. C’est alors une escalade qui s’ignore.

Le froid viendra exercer sa maîtrise tantôt et cela les pierres le savent déjà. Déjà se préparent. Elles sont devenues bleues comme la poussière du thym, qui se glisse dans les interstices rocheux telles les saxifrages.

 Il y a dans l’air un vide, un halètement du vide qui appelle le froid, qui prépare l’arrivée du froid dans l’espace, qui laisse entendre que le froid arrivera bientôt, car la nature a horreur du vide et de l’hésitation. D’où cette bleuité des roches et du chemin creux, creusé, qui en été s’éclipse mais qui là souligne presque, dans ses tortillons qu’on escalade, les ecchymoses de la roche exposée.

Ce sentier du Champérus, écrit dans la roche par les pieds bottés des randonneurs, chasseurs, sportifs est synonyme pour moi, tout au long de l’année tiède et claire, d’albedo et de chaleur terreuse, pierreuse. Il y fait alors nettement plus chaud qu’ailleurs.

Aujourd’hui, au contraire, ce même chemin me rend palpable, dans cette soudaine bleuité de sa chair, la lâche retraite du feu et le refroidissement subséquent de ses côtes, et le vide créé par cette défaite à contre-courant où continue à prospérer le thym, cette plante-poussière. Tout est déjà écrit, tracé, le chemin laissera descendre, depuis le sommet, le froid par lequel tout redevient clair et précis, gris-bleu-noir.

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